HOMMAGE A MANU DIBANGO

 Le 24 mars 2020, Manu Dibango nous quittait à l’âge de 86 ans… Le grand public conservera sûrement l’image de ce personnage avenant, toujours souriant, de ce saxophoniste chaleureux, auteur du fameux "Soul Makossa" en 1972. Il faudrait pourtant donner plus de profondeur à ce portrait très succinct et incomplet. Derrière ce rire tonitruant et cette bonhommie sympathique, il y avait un virtuose complet, compositeur, chef d’orchestre, multi-instrumentiste dont on a trop longtemps mésestimé la valeur.

Lors des interviews qu’il accordait volontiers, Manu Dibango adaptait souvent son propos à son interlocuteur mais parvenait toujours, au milieu d’une discussion à bâtons rompus, à transmettre un message qui lui tenait à cœur. Rectifier les erreurs ou les approximations, tenter de donner une meilleure lecture de son épopée, était devenu une de ses exigences au fil des années pour que son histoire ne soit pas trop écornée ou simplifiée. En 2013, alors qu’il approchait de son 80ème anniversaire, Manu Dibango avait fait paraître simultanément un livre et un disque intitulés "Balade en Saxo". Ces deux témoignages éclairaient sous un nouveau jour la destinée d’un homme qui voulait livrer sa vérité.

L’aventure humaine de Manu Dibango ne peut pas se réduire à quelques mélopées finement cadencées. En nous plongeant sérieusement dans sa trépidante biographie, le musicien africain devient subitement un artiste universel qui ne cherchait qu’une chose : transmettre, partager et faire tomber les barrières culturelles. S’il n’a jamais renié ses racines originelles camerounaises, il résistait aux caricatures et aimait, au détour d’une question anodine, vous rappeler qu’il écoutait aussi bien le répertoire classique européen, Jean-Sébastien Bach ou Georg Friedrich Haendel, que la musique populaire afro-planétaire de Sidney Bechet, Ray Charles, Hugh Masekela ou Ray Barretto.

 

En 60 ans de carrière, Manu Dibango a accompagné les évolutions du monde. Il était à Paris quand, dans les années 60, les musiciens américains investissaient les grandes salles de spectacle françaises. Il fut le contemporain des Louis Armstrong, Otis Redding, Stan Getz, Thelonious Monk, Dizzy Gillespie, et tant d’autres… Le tourbillon du succès planétaire de 1972 n’a jamais altéré son humilité et son désir de préserver l’essentiel. Se lancer des défis était son moteur. Il nous le prouva encore en 2019 en imaginant le "Safari Symphonique", une création à grande échelle qui survolait les grandes étapes de son périple musical.

Manu Dibango nous manquera, c’est une certitude, mais ce sentiment humain naturel nous poussera peut-être à écouter avec plus d’attention la discographie de cet homme de cœur. Son secret espoir était d’attiser la curiosité des auditeurs et d’ouvrir leurs oreilles à d’autres tonalités. Il nous l’avait confié, à demi-mots, lors de l’entrevue de novembre 2013

Source RFI

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